Echanger sa liberté contre une promesse de sécurité ou de bonheur est, comme l’explique longuement Rousseau dans son Contrat social un acte illégitime ou nul. Car qu’est-ce qui me garantit que cet autre au profit duquel j’ai aliéné ma liberté remplira sa part du contrat, en assurant effectivement ma conservation et mon bonheur ? Vous me direz qu’il me suffira alors de reprendre ma liberté ? Mais dans les faits, celui ou celle qui a vendu sa liberté a-t-il encore la liberté de la reprendre ?
Ainsi, une mère de famille n’ayant jamais eu d’activité « professionnelle » autre que celle non rémunérée d’élever ses enfants, pour le bien de toute la collectivité, est-elle réellement libre de reprendre sa liberté lorsque, arrivée à l’âge de 50 ans, celui qui lui a promis assistance, fidélité et respect, trahit ses engagements aux bras d’une (un) autre et/ou multiplie les propos rabaissants ou les restrictions budgétaires iniques sur le mode du « non mais c’est qui, qui ramène l’argent ici ? »
Le choix pour un parent de ne pas sous-traiter à une crèche ou une nourrisse (même agréée) le soin de ses enfants, pour peu que le chiffre d’affaire de l’association familiale le lui permette, est un droit qu’il me semble important de garantir. Pour autant, dans l’état actuel des choses, c’est le droit de travailler gratuitement et avec une reconnaissance sociale minimale, avec comme seule compensation d’être logé, nourri, vêtu sur les deniers du Prince. Si le Prince a l’esprit chevaleresque, tant mieux ! Mais on en a vu beaucoup, parmi les plus honnêtes et les plus amoureux, se transformer, sous le coup des ans, en tyran avaricieux et faire de leur cendrillon une souillon.
Ainsi, nos sociétés qui condamnent avec force et raison l’esclavage, permettent-elles encore aujourd’hui la traite de milliers de personnes, majoritairement des femmes, sans que personne ne trouve à y redire. Vous me direz que « ne pas travailler » pour élever ses enfants est un choix. Je répondrais que personne n’a aujourd’hui le droit d’être esclave, pas même d’en faire le choix. Un tel choix est en effet contraire à la déclaration des droits de l’homme qui nous oblige à respecter la personne humaine, à commencer donc par la sienne. C’est pourquoi je m’étonne que le droit à un salaire pour le parent au foyer ne soit pas revendiqué plus fortement, les modalités de versement de ce salaire (combien, sous quelle forme, sur quelle durée et par qui ?) restant bien sûr à définir. Ce serait au moins une reconnaissance d’un travail accompli et du fait qu’élever un enfant n’est pas simplement un luxe et un plaisir : c’est également une nécessité pour le bien-être de toute la société. Loin de moi, cependant, l’idée de vouloir renvoyer à leur foyer toutes les mères de famille. Seulement, pourquoi ne pas soutenir celles qui le souhaiteraient, ne serait-ce qu’en empêchant que ce choix les place pour longtemps sous la dépendance financière de leur conjoint ?
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