Ilan Halimi, enlevé le 21 janvier, est retrouvé le 13 février, bâillonné, menotté, portant des traces de tortures et de brûlures. Le jeune homme de 23 ans succombe à ses blessures.
Benoit Savean, 54 ans, disparaît dans la nuit du 19 au 20 février ; il est retrouvé mort le 25 février. Cause du décès : enfoncement du thorax, strangulation, choc consécutif aux sévices.
Le 1er mars 2006, un jeune de 16 ans frappe de toutes ses forces son petit frère âgé d’un mois. Le nourrisson décède des suites de ses blessures.
On peut bien sûr s’interroger sur les raisons qui portent un homme à torturer un autre ou à frapper à mort un nouveau-né. Antisémitisme ? Appât du gain ? Colère incontrôlée ? Mais au-delà de cette interrogation dont on n’a apparemment pas fini de débattre, d'autres questions se posent et qui sont à mon sens plus essentielles :
Comment est-il possible que certains en arrivent là et d'autres pas ? Que se passe-t-il dans un homme pour qu’il perde ainsi tout contact avec son humanité ? Et cette humanité, l’a-t-il définitivement perdue ou n’en a-t-il été qu’un instant déconnecté, sous le coup d'un putsch émotionnel ? Que peut-on ou doit-on faire pour éviter que de tels actes se reproduisent ? Poser partout des cameras de surveillance ? Ou songer enfin sérieusement aux moyens d'aider l'animal humain à développer son humanité en sorte que celle-ci fasse barrage à la bête féroce qui sommeille en lui ?
Plus que poser les questions je n'aurai pas détesté que tu apportes des bribes de réponses parce que moi aussi, la barbarie, ça m'interroge autant que ça me désespère.
Ce serait comment : "aider à développer son humanité "? Ca prendrait quelle forme ?
Rédigé par : Mille Pattes dans l'expexctative | vendredi 03 mars 2006 à 07:40
A un autre niveau,mais dans le même état d'esprit,on peut aussi se demander pourquoi une certaine forme de barbarie est admise sans sourciller par notre société: corrida, chasse aux palombes et autres,... Il faudrait déjà se demander pourquoi ce plaisir de tuer n'est pas perçu comme une perversion...
Rédigé par : frans | vendredi 03 mars 2006 à 07:56
L’humanité, au plus profond que remonte mes souvenirs, s’est toujours développée avec une forme de violence insoutenable ! Des guerres, des déportations, des emprisonnements politiques, des littératures « interdites » brûlées, des bombes nucléaires.
Les civilisations les plus remarquables, ne se sont-elles pas développées culturellement, artistiquement, socialement, (...) sous les feux des armes et autres manipulations psychologiques ? N’enseigne – t on pas encore aujourd’hui, comme exemples, les règnes de Charlemagne, Louis XIV, Napoléon, Bush (boutade) ?
La violence, la barbarie, elles nous choquent quand elle nous saute à la figure. Ensuite, on mange, on dort et on oublie. C’est répugnant, mais on vit avec…
Rédigé par : Burntroll | vendredi 03 mars 2006 à 09:00
"A un autre niveau,mais dans le même état d'esprit,on peut aussi se demander pourquoi une certaine forme de barbarie est admise sans sourciller par notre société: corrida, chasse aux palombes et autres,... Il faudrait déjà se demander pourquoi ce plaisir de tuer n'est pas perçu comme une perversion..."
Si chasser pour se nourrir est de la barbarie! Voilà qui nous oblige à vivre d'amour et d'eau fraîche. Chasser une palombe en plein vol est certainement moins barbare que d'élever des poulets par millier dans quelques mètres carrés (un peu plus pour avoir un label rouge, c’est mieux quand on reçoit du monde) pour les abattre le jour J. D’une part, elles ont toutes leurs chances, les palombes, d’autre part, elles font de nos repas de fêtes de merveilleux plats.
Cette lutte contre les palombes est un problème uniquement politique sachant que la plus grande partie de ces oiseaux sont décimés non pas par la chasse, mais par la cueillette des œufs par des minos qui s’en servent de décoration !!!
Etre barbare, ce n’est pas faire un acte de destruction qui pourrait être éviter avec un peu de conscience !
Rédigé par : Burntroll | vendredi 03 mars 2006 à 09:14
Chasser pour se nourrir? en France, à notre époque? l'argument ne me convainc vraiment pas. Elles ont toutes leurs chances, les palombes; ah, bon, quand on les prend au filet en haut d'un col des Pyrénées... Mais, bon, si je ne suis pas d'accord déjà sur les moyens employés, je persiste à penser que les gens qui prennent du plaisir à tuer (je ne parle pas des indiens d'Amazonie qui eux, chassent pour se nourrir) sont caractéristiques d'une manière de jouir de la souffrance et de la mort que je ne comprends pas et qui donne un début d'explication à la barbarie en général; et qu'on ne me parle pas de 'traditions ancestrales': l'homme doit au moins avoir l'ambition de progresser.
Rédigé par : frans | vendredi 03 mars 2006 à 11:00
Je crois que nous éloignons du sujet original, mais en fait cela me tient à cœur de te répondre.
Il existe 2 sortes d’animaux, ceux qui peuvent être élevée, et ce qui ne peuvent pas.
Selon ton analyse, on peut abattre sans scrupule le premier puisqu’il n’y a pas le goût de la mort derrière. Le second ne peut pas l’être car c’est un bel animal, sauvage…
Il y a effectivement deux sortes d’habitant en France, les Parisiens (et les citadins, en général) et le reste de la population française.
La première catégorie critique ouvertement cette forme de chasse en si méprenant sur la technique de chasse des palombes. A part avoir obtenu le droit de chasser aux pentes (chasse au filet, interdite dans les Pyrénées depuis plus d’une génération) la chasse à la palombe est très règlementée. Elle ne peut donc pas se faire tel que l’indiquent nos chers amis écolos, parfois maire d’une ville comme Bègles. Attention à ne pas écrire trop de chose qui ne se passe pas dans la réalité. Voilà une première chose.
La seconde, c’est qu’après avoir passé plusieurs jours dans une cabane, il n’est sûrement pas certain de ramener à la maison ces volatils. Autant d’oiseaux dans le ciel ne seront pas dans notre assiette.
Je ne prône en aucun cas la culture de la chasse, cependant je la respecte. Il est trop facile, en France, en gagnant un salaire de cadre, en ville, de prétendre au bien fondé de l’abolition d’une telle pratique. Il faut aussi vivre auprès des chasseurs (je n’en suis pas uns, j’ai trop peur des armes) pour comprendre leur vie.
Au prochain réveillon, tu auras peut être de la biche, un marcassin ou faisan dans ton assiette. Il aura sûrement était chassé.
Je crois que dans cette affaire, le seul barbare, c’est celui qui ignore la véritable conséquence de ces gestes, dans sa globalité.
« qu'on ne me parle pas de 'traditions ancestrales' » Sans tradition, le monde s’écroule à la recherche de ces racines et déclare la guerre à son voisin, sans vraiment comprendre pourquoi. Peut être par manipulation ?
La relation à la barbarie ne dépend essentiellement que de sa position à l’échelle sociale, et de son développement culturel…
Rédigé par : Burntroll | vendredi 03 mars 2006 à 15:11
bon, il y a plusieurs sujets dans ta reponse; je vais essayer de les prendre dans l'ordre;
tous les animaux sont respectables, je veux bien les"classer" en 3 categories: les animaux sauvages, les animaux d'élevage et les animaux de compagnie. dans les 3 cas, il me semble que nous, humains, avons un devoir de respecter l'animal; s'il faut vraiment éléver des animaux pour les manger, essayons de les traiter de façon correcte et d'éviter de les faire souffrir ( au passage, la différence fondamentale entre l'abattoir et la chasse , c'est que j'ose supposer que l'abattage des volailles et autres moutons ne procure aucun plaisir à celui qui tue, à la différence de la chasse; j'ai essayé de convaincre un chasseur que la chasse photographique pouvait lui procurer les memes sensations, il en est toujours revenu à une notion de plaisir de tuer...)
ton argument sur le salaire de cadre des "citadins ecolos" me désole un peu: d'une part ça coute plus cher de chasser que d'acheter son poulet au magasin, d'autre part on voit aussi des chasseurs tres fortunes (voir nos politiques par ex. ) se faire plaisir a tuer le faisan qu'on lâche devant lui (70! , jolis coups, M Cheney).
je ne suis pas convaincu non plus, rassure toi, par le monsieur de Begles qui defend parait-il les corridas, sans doute encore par "tradition";ton dernier point me "surprend": sans tradition , le monde s'ecroule et on fait la guerre a son voisin??
il me semble que les guerres entre voisins sont au contraire "traditionnelles", et ce serait tout a l'honneur de l'humanite de reflechir sur l'histoire et d'en tirer les leçons, en conservant justement les traditions "positives" et en eliminant les traditions retrogrades: tu serais, au titre de la conservation de notre patrimoine, favorable au rétablissement de la guillotine? voila pourtant une tradition qui nous vient de notre histoire...
enfin, je n'ai pas compris ton tout dernier point:en quoi la relation a la barbarie depend de la condition sociale??? la-dessus, il y a beaucoup a dire, mais , en resume, on voit tous les jours dans les journaux que la barbarie n'est pas l'apanage d'une classe sociale, d'un degre d'ethique ou de morale, oui, mais ceci n'est pas lié au salaire, et pas forcement au degre de culture...
j'espere que je n'ai pas ete trop long et je te remercie pour ton interet a mes posts.
il y a tant a dire entre gens de bonne foi!
cordialement
frans
Rédigé par : frans | vendredi 03 mars 2006 à 17:02
@Mille pattes:
Je dois avouer m’être laissée aller à une déformation professionnelle, celle qui consiste à poser plus de questions que de chercher à y répondre. Pourtant, il va de soi que j’ai quand même quelques idées sur la question, même si pour le moment, ma pensée est encore en gestation.
« Aider l’homme à développer son humanité » : je pense que cela devrait commencer dès l’enfance en faisant en sorte que l’enfant fasse connaissance avec cette humanité qu’il porte en lui en puissance. Concrètement, cela suppose de faire prendre conscience à l’enfant qu’il est quelqu’un, qu’il a une personnalité (ce que l’on appelle la dignité) et qu’il y a de ce fait certaines choses qui sont indignes de lui, de son humanité. Cultiver cette dignité dans l’enfant me semble essentielle car c’est sur elle que l’on va par la suite s’appuyer pour lui donner l’élan d’écouter autre chose que ses pulsions, ses envies.
L’enfant, au départ, n’est qu’une boule de ça (réservoir de pulsions libidinales et de conservation) nous dit Freud, mais je ne crois pas pour ma part qu’il ne soit que cela. Il y a en chacun de nous, et dans l’enfant également, la puissance de transcender notre nature instinctive (animale diraient certains), d’écouter d’autres voix que celle de nos envies, quand celles-ci s’avèrent contraire aux droits des autres et de soi. Seulement, alors que la voix de nos désirs se fait entendre automatiquement, sans qu’on ait besoin de rien faire, celle de la conscience, qui provient d’une partie plus profonde et moins accessible de nous-mêmes, a besoin que l’on dresse l’oreille et fasse des efforts d’attention pour être entendue. Plus on fait l’effort d’écouter cette voix, plus on prend l’habitude de s’adresser à elle dans nos actions et plus elle se fait entendre facilement pour nous détourner des actes contraires à l’humanité. En même temps, cette voix de la conscience, et c’est là que les choses se compliquent, a besoin d’être éduquée, bien qu’en elle-même elle soit innée. Ce qui est acquis, c’est le langage qu’elle va parler. C’est là que les éducateurs ont un rôle essentiel à jouer : dire à l’enfant ce qui est bien ou mal, acceptable ou non pour vivre avec autrui en harmonie, et lui donner l'habitude de se référer à cette voix en cours d'élaboration en lui-même, en la secondant lorsque le besoin s'en fait sentir.
Dans ce processus qui exige que l’on fasse des efforts sur soi (car renoncer à ses envies n’est pas toujours aisée, cela dépendant de la nature de l’envie), un point délicat est de trouver un motivation solide : pourquoi, en effet, ne pas suivre toutes mes envies s’il est vrai qu’il n’y a rien de meilleur que le désir satisfait ?
Rédigé par : Steph à Mille pattes | samedi 04 mars 2006 à 12:18
En tout cas tu ne rechignes pas à l'effort dans tes réponses.
Aussi ai-je ( en toute imodestie ) bénéficié de cette éducation dont tu parles. Je pense être en mesure de la transmettre à mes enfants conjointement avec leur maman.
Merci.
Question corolaire : qu'advient-il alors de ces adultes qui n'ont pas eu cette chance. Quelles possibilités "rédemptrices" ?
Bon j't'embête ! mais après tout c'est ton job.
Rédigé par : Mille Pattes | dimanche 05 mars 2006 à 08:25
C'est marrant ce que tu dis, je me disais justement hier soir que j'avais oublié de dire un truc essentiel dans le commentaire précédent, et tu viens heureusement de combler cet oubli: c'est que l'éducation des enfants commencent par celle des parents et qu'au-delà de tous les discours, l'éducation se fait par osmose avec celle des parents (tes enfants ont donc beaucoup de chance). Pour la question, cororollaire, je prends le temps de la réflexion (et celui de finir un paquet de copies) avant de répondre.
Tes questions ne m'embêtent pas, je les trouve plutôt stimulantes...
Rédigé par : Steph à Mille pattes (suite) | dimanche 05 mars 2006 à 10:16
@mille pattes :
Il est difficile de répondre de manière générale à ta question, car je pense que cela dépend foncièrement de l’état de « santé éthique » de la personne. La tâche de développer en soi son humanité ne s’arrête pas une fois parvenue à l’âge adulte ; comme le dit Aristote dans l’un de ces ouvrages consacré à l’éthique, c’est là le travail de toute une vie. Il doit donc être possible, une fois arrivé à l’age adulte, de compenser certains manques éthiques que nous héritons de l’éducation que nous avons reçue durant notre enfance. A condition bien sûr qu’on prenne conscience de ces manques et qu’on ait l’envie de les combler. En revanche, il n’est pas exclu que certains manques éducatifs graves aient des effets irréversibles sur la santé morale d'une personne, et que même adulte, celle-ci ne puisse plus y remédier. Cependant, comme il est difficile, voire impossible, de juger qui est « curable » de qui ne l’est pas, on est bien obligé de faire comme si tout le monde l’était, tout en gardant à l’esprit que malheureusement, il y en a qui ne le sont pas et qui sont devenus définitivement sourds à leur conscience.
J'espère ne pas avoir été trop longue :-)
A bientôt.
Rédigé par : Steph à Mille pattes (suite 2) | lundi 06 mars 2006 à 18:56
Perdre son humanité, dites-vous? La violence n'est-elle pas, au contraire, une des manifestations de l'humain, trop humain?
Toutefois, si je voulais trouver une cause à la déshumanisation (mais rien ne prouve que l'homme d'aujourd'hui soit moins humain que celui des époques précédentes), ce serait: l'avidité et le goût des bien matériels, en un mot le capitalisme, cher philosophe.
Rédigé par : Eric Mainville | lundi 06 mars 2006 à 19:16
@Eric :
L'avidité pour les choses matérielles est certainement, en effet, l'une des causes de la déshumanisation de l'homme (de l'homme individuel car comme vous le dites, rien ne prouve que les hommes du passé étaient plus humains que nous). Mais je ne pense pas qu'elle soit le fait uniquement du capitalisme. Bien au contraire, elle me semble être à l'oeuvre en tout homme, même chez ceux qui oeuvrent pour la fin du capitalisme (parfois pour des motifs bien intéressés)...
Le terme d'humain est ambivalent, puisqu'il désigne aussi bien la grandeur de l'homme que sa "bassesse" si je puis dire. Je suis tout à faire d'accord sur le fait que la violence est également l'une des dimensions de l'humain. Mais j'y vois davantage une tendance qu'il appartient à l'homme de dompter (et non pas de détruire) et que c'est précisément dans cet effort pour maîtriser sa violence, son avidité et bien d'autres tendances que l'homme développe ce que j'ai appelé son humanité.
Rédigé par : Steph | lundi 06 mars 2006 à 20:10
pourquoi certains passent à l'acte et d'autres pas ?
je pense que cela restera un mystère.
La violence, le "mal" font partie de l'humain, aucun individu, aucun peuple n'est immunisé contre la barbarie, et je ne pense qu'on parviendra un jour à "améliorer l'humain" !
Rédigé par : kalima | mardi 07 mars 2006 à 09:53
Frans
"ça coute plus cher de chasser que d'acheter son poulet au magasin, d'autre part on voit aussi des chasseurs tres fortunes (voir nos politiques par ex. ) se faire plaisir a tuer le faisan qu'on lâche devant lui (70! , jolis coups, M Cheney)."
Est ce là le seul exemple de chasse que tu connaisses? Peux tu dénombrer combien de personnes peuvent se nourrir aussi facilement avec du poulet de supermarché ? A travers le monde, 20% de la population détient 80% des richesses. Ces mêmes 20% pensent que 80% de la population est à leur image ! C’est peut être pour cela que nous voyons un décalage entre ce qui gouvernent, et ceux qui sont gouvernés ? C’est sûrement pour cela que l’on affirme pour une généralité une pratique plutôt marginale.
Pour en revenir aux actes violents, il me paraît difficile d’assimiler la chasse à ces malversations du comportement civique, décrites dans ce premier topique.
En fait, le mal est humain. En essayant de l'abolir, nous ne parviendrons qu’a le marginaliser. En le marginalisant, une infime partie de notre population l’utilisera comme mode d’expression afin que chacun puisse, en le regardant, en entendant parler, y trouver son équilibre.
Rédigé par : burntroll | jeudi 09 mars 2006 à 08:46