« Je me suis quelquefois proposé un doute : savoir s’il est mieux d’être gai et content en imaginant les biens qu’on possède être plus grands et plus estimables qu’ils ne sont […] que d’avoir plus de considération et de savoir […] et qu’on devienne plus triste ».
Il y a dix ans, lorsque j’ai fait lire ce texte de Descartes à mes élèves, certains se sont étonnés de cette expression « se proposer un doute ». Je me souviens parfaitement que l’un d’entre eux n’avait pas attendu une semaine avant de réinvestir cette expression nouvellement apprise, en commençant très sérieusement une question par : « madame, hier j’me suis proposé un doute…. » (NB : à prononcer avec un accent banlieue).
Aujourd’hui, lorsque j’ai lu ce texte à mes élèves (la plupart avaient oublié leur livre), je n’ai pas pu dépasser le « gai et content ». Preuve s’il en est qu’il n’est plus guère possible d’utiliser certains adjectifs sans déclencher l’hilarité générale. J'en ai donc conclu, non sans un certain amusement face à cette ironie du temps, que le mot "gai", en changeant radicalement de sens sous l'effet des ans, avait acquis le pouvoir de provoquer ce que longtemps, il n'a fait que signifier, souvent tristement.
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