Journée d’information sur la réforme LMD au sein d’une Université en sciences humaines : je n’ai pas compté le nombre de fois où, à un auditeur posant la question des débouchés professionnels, il lui a été répondu : « le concours de professeur des écoles ou de l’enseignement du second degré ». La réponse fut cependant suffisamment fréquente pour que cela finisse par en devenir embarrassant. Embarrassant de voir tout un système d’enseignement reconnaître, presque honteux, que son unique fonction (ou presque) est de former des enseignants.
Mais aussi, déception de constater que, réforme LMD ou pas, les disciplines à caractère littéraire ne sont plus enseignées qu’à de futurs enseignants, qu’elles ne permettent plus à un bachelier épris d’histoire ou de philosophie par exemple, de développer son intelligence à travers ces disciplines, sans qu’il se trouve contraint de faire sien un métier qui ne lui convient pas. Car c’est un fait que le désir d’étudier le patrimoine culturel immense dont nous sommes les héritiers ne signifie pas qu’on ait l’envie ou l’aptitude de devenir enseignant. C’est ainsi que j’entends régulièrement mes élèves de terminale L manifester leur désir de poursuivre des études de littérature, de philosophie, d’histoire, etc. mais y renoncer pour cette raison qu’ils ne veulent pas « finir prof, sans vouloir vous vexer madame » ! Ce à quoi j’ajouterai que la société n’a pas besoin d’autant d’enseignants.
On a donc oublié que ce qui compte dans les études, ce n’est pas tant de faire des têtes bien pleines que bien faites, et que l’intelligence, le jugement, l’esprit critique se développent quelle que soit la discipline étudiée, et d’autant mieux que l’étudiant éprouve un attrait pour celle-ci. Malheureusement, la mentalité française considère qu’il faut avoir fait des études commerciales ou techniques pour être employable en entreprise. En conséquence, il m’apparait que le tissu social ne tire pas pleinement profit des intelligences bien formées à l’école des sciences humaines.
"Car, toutes les sciences n'étant rien d'autre que la sagesse humaine, qui reste toujours une et la même, quelle que soit la différence des sujets auxquels on l'applique[...] il n'est besoin d'imposer aux esprits aucune limite. En effet, la connaissance d'une seule vérité, comme s'il s'agissait de la pratique d'un seul art, ne nous détourne pas de la découverte d'un autre, mais nous aide plutôt à la faire." Descartes, Règles pour la direction de l'esprit.
Entièrement d'accord !!! :-)
Rédigé par : Jérôme | lundi 03 avril 2006 à 07:34
Je dirais même plus... Entièrement d'accord.
Ici en Angleterre, on peut étudier l'histoire de l'art ou les lettres classiques pendant 3 ans, ne pas faire un seul stage en entreprise, partir comme "backpacker" pendant un an pour "voir le monde" et finir... dans une banque d'investissement à la City à 22 ans !
Et les entreprises britanniques ne s'en portent pas plus mal.
Rédigé par : Seb in London | mercredi 05 avril 2006 à 18:40
Je suis partagé sur cette note.
La France est héritière d'une grande tradition de la "connaissance fondamentale" ( je ne trouve pas d'autre terme ) et cela se retrouve dans son système de formation.
J'ai une petite soeur qui a une maîtrise de philo dont la vie professionelle a été une belle galère faute de débouchés.
Difficile de faire la part des choses entre ce qui relève de la formation professionalisante et le reste que tu décris ( esprit critique ... )
L'idéal serait d'avoir les deux, l'idéal ...
Rédigé par : Mille Pattes | jeudi 06 avril 2006 à 20:38