Après plusieurs semaines d’absence sur ce blog, je découvre à l’instant cet email de Claire : une question qu'elle est sans doute la seule, avec son compagnon, à pouvoir résoudre, mais qui a le mérite de souligner que « faire un enfant », dans un monde où on a le pouvoir de choisir le moment, ne va plus de soi...
Claire est une de mes anciennes élèves. Pour tout vous dire, elle est ma fierté d’enseignante. Je me souviens du proviseur se plaignant de cette jeune fille trop sûre d’elle pendant que j’admirais secrètement sa force de caractère et la sincérité de son questionnement métaphysique... lesquels, de toute évidence, n’ont pas faibli avec le temps.
Je vois que depuis un mois on a droit à la même tête à grandes oreilles pour incarner le monde à l'envers... pensez-vous abandonner le blog ? Ce serait dommage.
En ce moment je prépare l'agrégation d'espagnol et je suis entourée de quelques amies avec qui l'on parle souvent d'enfants. De mon côté, depuis que je suis allée en Argentine j'ai une très forte envie d'enfant.
Quand j'en parle à mon amoureux il me demande souvent pourquoi je veux un enfant, quelle est la raison raisonnable pour en avoir en ce moment, c'est-à-dire "avec tous ces cons partout" comme il dit. Et finalement n'est-ce pas plus pour moi que pour cet enfant que je vais le faire ? Alors du coup j'y pense souvent et c'est vrai que je ne sais s'il y a une raison d'avoir des enfants. Il y a une très forte envie, quelque chose qui se passe dans ma tête et peut-être mon corps, mais pourquoi est-ce qu'engendrer un être a une justification ?
Je vois un sens réel à éduquer un enfant mais c'est dans l'acte de le concevoir, faire venir au monde quelqu'un que je me pose des questions.
En fait, une fois qu'il est là c'est évident que le mieux est de l'éduquer.
Mais avant, pourquoi le faire venir plutôt que l'inverse ?
Est-ce un questionnement digne de remplacer la tête du monsieur aux grandes oreilles ?
et sur ce sujet j'ai trouvé très intéressants les propos de Michel Onfray sur france inter hier après-midi.
http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/zappingdefranceinter/
Rédigé par : claire | dimanche 15 octobre 2006 à 10:38
bjr, moi je ne suis qu'un étudiant tout juste majeur, mais il me semble d'ores et déjà que la question la plus importante est la suivante, veux tu avoir un enfant car tu as un réel désir de procréation, ou bien c'est simplement un autre désir que tu projetes par dessus l'image d'un enfant.
Rédigé par : rad' | lundi 16 octobre 2006 à 20:09
après un temps de reflexion, j'ajouterai ceci, est ce le bon moment ? ou plutôt ca serait l'inverse, y aura-t-il un meilleur/bon moment pour avoir un enfant ? en effet souvent les gens planifie "voir des gosses" comme une "chose à faire", pourtant justement ce qui fait qu'un enfant est aimé c'est lorsqu'il "arrive sans crier gare" (mais le fait qu'il soit désiré est aussi fondamentallement important) ca change une "routine", un planning de vie tout fait, ou chaque chose est prévu. avoir un enfant permet aussi de boulverser le quotidien ou plutôt de le faire disparître.
enfin j'ajouterai certe il faut que tu (excuse moi, je te tutoie, et je sais que devrait vous vouvoyer mais l'emploie de TU est necessaire) en ai envie, mais que tu sache aussi pourquoi, s'il (lui) n'en a pas envie, pourquoi (même si ds un couple ca tombe souvent sous le sens).
je crois que c'est tout ce que j'avais à dire. ah oui, aussi souvient toi que fondamentallement les hommes ne "veulent" que rarement des enfants, même si après, cela devient leur plus grande fierté.
Rédigé par : rad' | lundi 16 octobre 2006 à 21:13
Y a-t-il une "raison raisonnable" au don, à l'amour, à l'amitié, à la foi (pour les croyants) ?
Je crois que la question "pourquoi le faire venir plutôt que l'inverse ?" n'a pas de sens (raisonnable) : tu ne peux démontrer ni qu'il est meilleur-en-soi de le faire venir ni qu'il est meilleur-en-soi de ne pas le faire venir. Il est des événements irréductibles à la morale.
Tu t'interroges sur "n'est-ce pas plus pour moi que pour cet enfant que je vais le faire ?" Là aussi, je pense que ça n'a pas de sens. En inversant : accepterais-tu de faire un enfant CONTRE ton désir mais parce que l'on t'a convaincue* que ce serait bon pour ce possible enfant ?
De plus, et pour te rassurer (ça rassure, ça ?),même si tu projettes ton désir de maintenant sur ce futur enfant, il saura rapidement te mettre face à la réalité qu'il est une personne autonome avec ses désirs propres !
Pourquoi vis-tu ?
Pourquoi aimes-tu ?
Pourquoi veux-tu un enfant ?
Raye le mot "pourquoi" et repose les mêmes questions, en réponse instinctive. OU alors, comme les enfants, justement, la seule réponse est "parce que !".
Il y a, je crois, des choses irréductibles à la raison raisonnante.
Des contraintes peuvent s'y greffer (pourrais-je subvenir à ses besoins, à son éducation, etc.), mais elles ne sont que cela : des contraintes, mesurables. Pas des raisons.
(*le premier lacanien qui passe va rigoler : con-vaincue) :-D
Rédigé par : Jerome | mercredi 18 octobre 2006 à 12:05
"le premier lacanien qui passe va rigoler"
Le premier nihiliste aussi, qui sait.
"En inversant : accepterais-tu de faire un enfant CONTRE ton désir mais parce que l'on t'a convaincue* que ce serait bon pour ce possible enfant ?"
Ca, ce serait vraiment de l'altruisme et de l'abnégation.
Au final, si on retire la raison, il ne reste plus que l'envie ou le désir d'avoir un enfant, par essence bien égoïstes. Désir de donner de l'amour, me répondra-t-on. Ca sent plutôt l'horloge biologique, l'hormonal, le programmé, l'instinct de reproduction.
Très abstrait que de projeter un désir de donner à une personne... heu.. un embryon... non, un projet d'embryon de personne.
"en effet souvent les gens planifie[nt] "[a]voir des gosses" comme une "chose à faire""
LOL.
"ca change une "routine", un planning de vie tout fait, ou chaque chose est prévu."
On peut dire le contraire. Un quotidien qui sera fait de biberons, de conduite à l'école, à la piscine, de repas à préparer etc; par opposition à une vie folle où tu peux partir demain ou bêtement improviser une soirée sans vraiment avoir de contraintes. Question de point de vue... Ou de se convaincre qu'on a fait le bon choix, peut-être.
Rédigé par : sircam | jeudi 26 octobre 2006 à 22:12
Vouloir un enfant, il me semble, est de l'ordre de l'hormonal, de l'instinct. Ce qui n'enlève rien à son caractère tout à fait respectable voire merveilleux. Nous ne sommes, pour une bonne part, qu'instinct et hormones.
En faire l'acte d'amour suprême, une forme de métaphysique du "donner la vie parce que" me semble excessif, illusoire, dangereux. Nous ne donnons pas la vie lorsque nous sommes géniteur, nous sommes tout au plus l'instrument d'une vie qui se donne soi-même.
Une fois cette humilité acquise, il me semble bien que la question posée relève de la raison. La raison qui, se contemplant soi-même, voit le désir inspiré des instincts et des hormones, et voit que ce désir a du bon, qu'il peut être le début de quelque chose de grand - si toutefois les conditions sont réunies, que l'on a la capacité d'accueillir cet enfant.
Le désir-instinct remis à sa place, qui n'est ni rapetissée ni dépréciée, mais juste, il reste le devoir à accomplir devant cet être qui dépend entièrement de nous. L'immensité de ce devoir.
Et l'emmerveillement devant la vie qui point, la sensibilité qui bourgeonne, cette belle intelligence qui, sous nos yeux, s'articule.
Rédigé par : criton | dimanche 29 octobre 2006 à 15:05
Un article intéressant qui rappelle que l'arrivée d'un enfant n'est pas sans effet sur la vie d'une femme.
http://www.lemagazine.info/spip.php?article524
Rédigé par : Steph | mardi 31 octobre 2006 à 15:35
"nous sommes tout au plus l'instrument d'une vie qui se donne soi-même"
D'après mes sources, il me semble qu'il faille malgré tout un acte positif des deux parents. Faire passer une décision unilatérale à une simple instrumentalisation ne me semble pas correspondre à la réalité.
De là, je ne perçois pas d'humilité, comme si l'acte de concevoir dépassait les parents. Au contraire, si on prenait une analogie un peu mystique (et hors de propos, c'est juste pour illustrer), on pourrait dire que cet acte a quelque chose de quasi-divin, ce qui n'est pas rien.
"si toutefois les conditions sont réunies"
Qui peut en décider? Les parents sont seuls juges. Autant dire que cela ne vaut pas un clou quand il s'agit de la vie d'autrui. Un peu d'humilité...
Rédigé par : sircam | jeudi 02 novembre 2006 à 17:42
Il n'y a que le présent,pourtant,il n'existe pas puisqu'il se situ à l'instant 0,passage de la fin du passé global et fondateur du futur à ce dernier ignoré.
Rédigé par : patrick hubert | mardi 20 février 2007 à 19:24
J'ai lu beaucoup de blabla ci-dessus et pas mal de choses m'ont fait moyennement rire. Il n'y a pas si longtemps, je me suis trouvée a la place Claire et je me suis posée les mêmes questions. En mettant l'horloge biologique a part, je me suis rendu compte de l'impact de cette naissance provoquerait au niveau écologique, démographique et tout simplement de sa vie dans ce monde absurde. Je ne souhaite le malheur a personne et j'ai fini par me rendre compte que donner la vie, c'est aussi faire le malheur de l'etre a naitre. Car le bonheur est illusoire et éphémère. Au final, je fais aussi du blabla ^^ Claire, cherche au fond de toi, de tes principes ce qui te parait coherent, et tu trouveras TA réponse.
Rédigé par : Welva | dimanche 16 mai 2010 à 23:06