Monde à l'envers

A la botte de Sarko ?

Il y a quelques mois, l’affaire des caricatures était l’occasion pour beaucoup de citoyens, journalistes ou non, de redire leur attachement à la liberté de la presse, mais éga lement d’en examiner les conditions et les limites. Il s’agissait alors de défendre la liberté d’expression face à la pression du dogmatisme religieux.
Mais la liberté d’expression, dans nos démocraties, n’a pas pour seuls ennemis les docteurs de la Loi. Il en est un plus pernicieux qui vient de ceux-là même qui devraient être les gardiens de nos libertés, à savoir de ceux qui exercent dans nos démocraties une fonction politique. L’éviction d’Alain Genestar, le patron de la direction de Paris Match, en est aujourd’hui une illustration éclatante. Cette mainmise du politique sur la presse, contraire à toutes nos libertés, semble pourtant ne pas tellement heurter nos consciences. On entend certes ici ou là des voix s’élever pour s’étonner ou s’indigner, mais il faut bien le reconnaître, on est bien loin du vacarme suscité par les fameuses caricatures.
D’où vient que nous soyons en quelques mois devenus aphones ? Sarais-ce parce que dans cette histoire, les coupables et les victimes, c’est nous, coupables d’avoir porté au pouvoir des hommes politiques qui se jouent de nous ? Aurions-nous honte d’avoir à reconnaître que nous ne sommes pas aussi libres que nous aimons le croire ou ne serait-ce pas tout simplement une forme de déni face à une réalité contre laquelle il est impossible de lutter sans courage et sans risque ?

Place au harcèlement juridique

Il y a quelques mois, en apprenant les déboires de Christophe Grébert, coupable de critiquer les agissements de la Mairie de Puteaux, je m’inquiétais de l’effectivité de la liberté d’expression lorsque celle-ci menace le pouvoir de politiques ayant fait un gagne pain lucratif de leur mandat.

Ce billet de Irène Delse m’amène à une autre question : qu’en est-il de la liberté des personnes face au pouvoir politique (et de l’égalité de tous face à la justice), lorsque le citoyen ne dispose pour sa défense que de ses propres deniers et l’élu de l'argent public ? Que peut donc faire un citoyen lambda face à la perspective du harcèlement juridique d’un élu ?

Il a le choix entre se taire ou se ruiner. Son silence le rendrait coupable de favoriser l’injustice dont il vient d’être la victime et de participer ainsi activement au recul de l’Etat de droit. S’il a donc encore un sens de la justice et un peu d’honneur, il n’a donc plus que le choix de se ruiner. Mais combien de temps en aura-t-il les moyens ?

Au nom de la laïcité

Le lycée dans lequel je travaille est centre d’examen. A partir de lundi prochain, il va donc accueillir des jeunes d'horizons variés pour passer les épreuves du baccalauréat.

Je vous recopie ici le contenu d’une note de service qui a été transmise aux enseignants :

« Je vous rappelle que nous sommes dans l’obligation en qualité de centre d’examen d’accueillir les candidates voilées, sous réserve d’un contrôle effectué par un personnel féminin ».

D’un côté, nous avons donc une loi qui interdit le port de signes religieux ostentatoires à l’école, et de l’autre, une circulaire, qui nous rappelle notre obligation d’accepter, le jour du bac, des jeunes filles voilées, dont l’identité devra être contrôlée uniquement par un enseignant de sexe féminin… l’opération nécessitant en effet que ces jeunes filles retirent leur voile et exposent leur chevelure J

Certains enseignants de sexe féminin ont déjà fait savoir qu’elles refuseraient, au nom de la laïcité, de contrôler l’identité des jeunes filles voilées.

Est-ce uniquement une question d’âge ?

Une discussion avec un jeune (20 ans), étudiant en 2e année de médecine, m’a contrainte à expliciter une objection que l’on pourrait me faire quant à l’objet de ce blog. Le fait de souligner les renversements de valeur qui affectent notre société n’est-il pas une manie de vieux ? Au fond, assiste-t-on réellement à un renversement ou une perte de ces valeurs qui ont assuré tant bien que mal la cohésion des sociétés de nos prédécesseurs, ou n’est-ce pas là plutôt l’impression d’une personne plus âgée (j’ai 37 ans demain), qui éprouverait quelques difficultés à s’habituer à des mœurs d’un nouvel âge ? Car comme le soulignait très justement ce jeune homme, par certains aspects, nos sociétés présentent un certain progrès moral. En témoigneraient par exemple une meilleure reconnaissance des droits de l’enfant, de la femme, des animaux ou encore une plus grande tolérance à l’égard de l’homosexualité…

Alors voila, depuis quelques jours, je m’interroge. Assiste-t-on réellement aujourd’hui à une forme de « dégradation » morale, et si oui, qu’est-ce qui nous permet de le penser ? Ou ne sommes-nous que les témoins d’une évolution naturelle des mœurs et des sociétés ?

Je vous invite tous à m’apporter vos idées et vos arguments sur cette question.

Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants,
Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles,
Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter,
Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne,
Alors c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie. (Platon, La république)

La tentation anarchiste

Frans, de retour de vacances, nous rappelle que la critique de la société ne devrait pas nous conduire à désepérer des hommes. Preuve que les vacances furent bonnes :-)
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La lecture de l’interview de notre chère Steph dans le magazine Netizen me réconforte : elle a su expliquer que les témoignages sur son blog des invraisemblances de notre monde (je dirais plutôt de nos sociétés) ne doivent pas nous entraîner vers le cynisme, le pessimisme et la critique générale et désabusée de nos concitoyens.
Nous vivons dans le même monde, qu’on le veuille ou non, et même si nous faisons l’effort de prendre du recul, nous partageons les mêmes passions et pulsions que les autres. Et pourtant, la tentation est grande de rejeter tout, de ne plus croire en la possibilité d’un progrès malgré tout… Et de ne plus pouvoir extraire des événements l’élément positif qui permet de ne pas désespérer. L’histoire est faite de pas en avant et de pas en arrière mais finalement peut-être que l’expérience finira par faire réfléchir et faire avancer les choses, pas à la vitesse qu’on pourrait souhaiter, mais quand même dans le bon sens. En écrivant ces lignes, je cherche un exemple pour étayer mes dires, malheureusement je n’en trouve pas…Mais ce n’est pas une raison : nous n’avons pas le droit de jouer les anarchistes : même si on l’est en théorie, ce monde ne peut pas être laissé à l’abandon, il y aura toujours un honnête homme, un enfant ou un chien qui méritera qu’on essaye de faire tourner le monde dans le bon sens pour lui.
Frans

Citoyen ou chef d'entreprise, il faut choisir

J’écoutais dernièrement une interview donnée par le fondateur d'une société informatique, dans laquelle ce dernier dénonce une campagne de diffamation menée par les médias contre sa société, suivie par la mise en liquidation de sa boite et le licenciement de 23 salariés.

Cet ex-dirigeant, qui est par ailleurs le président d’une association de quartier, y explique longuement ses déboires avec le Maire de sa commune qu’il suspecte d’être à l’origine de la campagne de diffamation contre son entreprise. Au cours de cette interview approfondie et fort intéressante, il lui est demandé de s’expliquer sur le choix qu’il a fait de continuer son combat associatif : « Vos salariés attendaient-ils de vous que vous soyez citoyen avant d’être chef d’entreprise ? Est-ce qu’ils n’auraient pas préféré que vous fermiez un peu votre gueule mais que vous préserviez l’entreprise ? ».

L’interviewé reste un instant sans voix…moi aussi d’ailleurs. La question met en effet le doigt sur un problème inattendu : un chef d’entreprise a-t-il le droit de participer à la vie associative et d’exprimer son désaccord de citoyen vis-à-vis de la politique de la ville où il habite, lui et sa famille, sachant qu’il risque ainsi d’attirer sur le nom de sa société les foudres de politiques apparemment peu scrupuleux, avec les conséquences que l’on connaît ?

Faut-il donc, lorsqu’on est chef d’entreprise et que l’on participe activement au dynamisme économique de son pays, renoncer à l’exercice da sa citoyenneté ? Faut-il, pour sauvegarder nos emplois, déchoir de leurs droits et devoirs de citoyen tous nos chefs d’entreprise ?

No comment

Un petit message de Frans reçu hier soir, que je vous transmets fidèlement.
Bretons J'ai lu dans le Nouvel Obs du 30/03/2006 la chronique de Delfeil de Ton intitulée "Ils ont des chapeaux ronds", commentant la plainte déposée contre l’humoriste Jacky Berroyer par le "Collectif Breton pour la Démocratie et les Droits de l’Homme".
Pour en savoir plus, j’ai d’abord lu ce site. Puis celui-là. J’ai même lu sur ce site un article original sur le CPE.
No comment
Frans

Etudiants en sciences humaines : quel avenir ?

Journée d’information sur la réforme LMD au sein d’une Université en sciences humaines : je n’ai pas compté le nombre de fois où, à un auditeur posant la question des débouchés professionnels, il lui a été répondu : « le concours de professeur des écoles ou de l’enseignement du second degré ». La réponse fut cependant suffisamment fréquente pour que cela finisse par en devenir embarrassant. Embarrassant de voir tout un système d’enseignement reconnaître, presque honteux, que son unique fonction (ou presque) est de former des enseignants.

Mais aussi, déception de constater que, réforme LMD ou pas, les disciplines à caractère littéraire ne sont plus enseignées qu’à de futurs enseignants, qu’elles ne permettent plus à un bachelier épris d’histoire ou de philosophie par exemple, de développer son intelligence à travers ces disciplines, sans qu’il se trouve contraint de faire sien un métier qui ne lui convient pas. Car c’est un fait que le désir d’étudier le patrimoine culturel immense dont nous sommes les héritiers ne signifie pas qu’on ait l’envie ou l’aptitude de devenir enseignant. C’est ainsi que j’entends régulièrement mes élèves de terminale L manifester leur désir de poursuivre des études de littérature, de philosophie, d’histoire, etc. mais y renoncer pour cette raison qu’ils ne veulent pas « finir prof, sans vouloir vous vexer madame » ! Ce à quoi j’ajouterai que la société n’a pas besoin d’autant d’enseignants.

On a donc oublié que ce qui compte dans les études, ce n’est pas tant de faire des têtes bien pleines que bien faites, et que l’intelligence, le jugement, l’esprit critique se développent quelle que soit la discipline étudiée, et d’autant mieux que l’étudiant éprouve un attrait pour celle-ci. Malheureusement, la mentalité française considère qu’il faut avoir fait des études commerciales ou techniques pour être employable en entreprise. En conséquence, il m’apparait que le tissu social ne tire pas pleinement profit des intelligences bien formées à l’école des sciences humaines.

"Car, toutes les sciences n'étant rien d'autre que la sagesse humaine, qui reste toujours une et la même, quelle que soit la différence des sujets auxquels on l'applique[...] il n'est besoin d'imposer aux esprits aucune limite. En effet, la connaissance d'une seule vérité, comme s'il s'agissait de la pratique d'un seul art, ne nous détourne pas de la découverte d'un autre, mais nous aide plutôt à la faire." Descartes, Règles pour la direction de l'esprit.

Parole aux Anti-Anti CPE

La plupart des moins de 26 ans que je connais sont farouchement anti-CPE, pour les raisons que l'on connaît : crainte de voir leur situation précarisée, sentiment d'injustice face à ce qui constitue une inégalité de traitements, impression d'être incompris et méprisés par le pouvoir politique, etc.
La position des anti-CPE est bien connue et largement exprimée dans la bloggosphère. Je vous renvoie ici aux articles de Bernard Lallement sur la question. Elle reçoit également un appui massif de la presse et de l'opinion française, jusqu'à celui de Sharon Stone, de passage à Paris pour Basic instinct 2.

En lisant cet article sur Dérapages synaptiques, j'ai soudain eu l'envie d'inviter les jeunes lecteurs de Monde à l'envers à faire connaissance avec la pensée d'un vieux "pas si vieux", qui, sans être ni pro ni anti (anti-anti serait plus juste), présente une autre façon d'envisager la réalité professionnelle.

Allez lire ce que Jérome T., 33 ans, "amoureux et bientôt marié", écrit ici.

Une seule solution : l'anti-révolution !

La parole à Frans, rédacteur régulier de Monde à l’envers

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C’est quand même curieux, cette nouvelle façon de manifester en France, on descend dans la rue, non pas pour réclamer des changements, mais pour surtout ne rien changer !

Un nouveau concept est né : l’anti-révolution !

On élit une assemblée de droite en juin 2002 avec une forte majorité (je ne parle même pas de la présidentielle…), et lorsque le gouvernement (de droite) élu fait des réformes (de droite), on descend dans la rue pour ne surtout rien changer !

Mais quand il y avait la gauche, qui essayait de faire des réformes (plus ou moins) de gauche, on s’est empressé de la renvoyer à l’île de Ré !

Quant au referendum sur l’Europe, ce fut un NON à l’évolution ! La France aux français ! Gardarem lou camembert !

Paraît que tout va mal en France, mais surtout ne changeons rien, ça pourrait être pire !

Ca ne m’étonne pas qu’aucun ministre n’ait le courage d’interdire de fumer dans les lieux publics, même les non-fumeurs risqueraient de râler !

On pourrait même imaginer des grèves préventives, par exemple, contre l’idée de changements potentiels de sens interdits, de dates de jours fériés, voire d’abolition de l’heure d’été ?

Ou même une grève dure et illimitée contre le changement potentiel de gouvernement ?

Bizarre, non ?

Frans

PS : pour ceux que l'envie démangerait de créer leur propre pancarte anti-révolutionnaire, allez voir ici.

PS 2 : pour envisager aussi une autre façon d'envisager le blocage des universités, voir le témoignage de Sophie.